L'humain à venir / face au transhumanisme
07 et 08 mars 2018 de 14h à 18h
MSHA — Salle Jean Borde
10 esplanade des Antilles 33607 PESSAC
Synopsis
The Singularity is Near (Kurzweil, 2005), Transhumain (Benderson, 2010), La mort de la mort (Alexandre, 2011), les prophéties technologiques se multiplient depuis trois décennies, autant d’exhortations au « solutionnisme technologique » (Morozov, 2013) et à la « pro-action » (Max More, 2004) dans le développement technologique. Or tandis que l’idéologie transhumaniste promeut ouvertement une hybridation homme-machine vers un humain augmenté, elle opère en tâche de fond d’autres changements moins spectaculaires mais tout aussi importants. Ce sont des figures rhétoriques, des détours épistémologiques et des contre-histoires philosophiques qui, conjointement à l’expérimentation, préparent le terrain du projet transhumaniste et favorisent son acceptabilité.
Ses partisans, en quête de rupture, alimentent des rapprochements sémantiques entre les champs lexicaux du biologique et du matériel, entretenant ainsi la (con)fusion homme-machine par une « réfutation du lexique » voire une « réforme du langage » (Besnier, 2009), des images et par conséquent, de l’imaginaire. Autre phénomène, influence probable de la Silicon Valley, le jargon du design de services et ses méthodes se transposent au design de l’humain : l’individu-prototype, la simulation itérative du vivant, le corps réifié, le système cognitif servicisé. Les approches user-centric et human-centric du design contemporain, accaparées par le marketing qui en détourne les finalités, s’ancrent aisément dans le package transhumaniste. Enfin, le mouvement pioche dans un certain héritage humaniste et convoque à loisir Condorcet, Bacon ou Kant pour soutenir le concept de « perfectibilité de l’humain ».
À l’heure de la convergence NBIC, ces jeux de langage et d’esprit soutiennent des rêves prométhéens pour la plupart à portée de main, ou plutôt de faisabilité technique. Le phénomène resterait anodin si les transhumanistes n’étaient pas adossés aux industriels du numérique (Google/Alphabet en première ligne) et entendus de leurs instances dirigeantes (a fortiori depuis le rapport américain Converging Technologies for Improving Human Performance, Roco et Bainbridge, 2002). Ils possèdent, pour ainsi dire, les moyens de leur politique — c’est-à-dire l’opportunité de faire « basculer la fantasmatique humaine dans la sphère économique » (Godin, 2013) — et par conséquent, le monopole du design de l’humain.
Les deux journées d’étude L’humain à venir / face au transhumanisme viennent questionner cette unilatéralité du mouvement transhumaniste et son exclusivité sur les réflexions et pratiques qui conditionnent le devenir de l’humain. Soutenu par l’École Doctorale de Bordeaux Montaigne et grâce au concours des axes IDEM et E3D du laboratoire MICA, cet événement ne sera ni une réflexion supplémentaire sur les technologies impliquées, ni un énième panorama de créatures transhumaines mais un débat transversal organisé en deux parties : l’une consacrée à l’étude des trajectoires idéologiques, méthodologiques et épistémologiques du transhumanisme ; l’autre à la présentation d’acteurs dont le positionnement et les travaux se distinguent de ce mouvement.
Programme
Partie I : Dissection(s)
7 mars 2018 - 14h00-18h00
Convoquant la philosophie, les sciences humaines et sociales, l’analyse politique et le design, la première journée aura pour vocation d’appréhender et déconstruire les figures imposées — tant à l’imaginaire qu’au marché — par différents courants transhumanistes.
14H00
Introduction des journées d’étude HAV/FAT
Par Florian Harmand
14h15
Transhumanisme : une nouvelle bouteille pour de vieux projets ?
Par Cédric Brun
14h45
Le Transhumanisme ou la religion révélée
Par David Pucheu
15h30
L’humain en projet : du design chez les transhumanistes
Par Florian Harmand (MICA-UBM)
16h30
Fiction et poétique des mythes post-humains
Par Agathe François (EHESS),
en direct du Québec.
17h00
Transhumanistes et visions politiques : une sociohistoire du posthumain
Par Apolline Taillandier (Science Po),
en direct des États-Unis.
Partie II : Conception(s)
8 mars 2018 - 14h00-18h00
La seconde journée tentera d’articuler des réflexions et pratiques scientifiques, éthiques et démocratiques qui offrent des approches alternatives pour penser et faire l’humain futur.
14H00
Résumé de la première journée HAV/FAT
Par Florian Harmand (MICA-UBM)
14h15
Intelligence artificielle: un outil pour nous aider à mieux comprendre l’intelligence naturelle ?
Par Pierre-Yves Oudeyer (INRIA)
14h45
Poietis : réflexions autour de la création de tissus biologiques
Par Fabien Guillemot (Poietis)
15h30
Le transhumain en débat : actions citoyennes et politiques
Par Jean-Claude Guicheney (LDH)
16h30
Usbek & Rica : le média qui explore le futur
Par Blaise Mao (Usbek&Rica)
17h00
Le design-fiction : outil pédagogique et initiation à l’éthique (séminaire IDEM)
Par Stéphanie Cardoso et Florian Harmand (MICA-UBM)
Organisation
Les journées d'études L'humain à venir / face au transhumanisme sont soutenues par l'École Doctorale de Bordeaux Montaigne ainsi que par les axes IDEM et E3D. Un grand merci à l'équipe de l'ED et aux responsables des axes de recherche.
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A
Conférences & débats
Les interventions durent 30 minutes et sont ponctuées de discussions croisées et de temps de question(s)/réponse(s). Lors de chaque journée d'étude, une pause est prévue aux alentours de 16h15.
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B
Design & recherche
Les journées d'études termineront par une présentation des réflexions pédagogiques au sein du Master Design, l'occasion de présenter quelques productions des étudiants de M1 Design.
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C
Académisme ouvert
Ces journées d'études constituent un espace-temps de rencontre et de débat entre le milieu académique, milieu professionnel et grand public.
Intervenants
L’humain à venir / face au transhumanisme se veut transdisciplinaire et éclectique, ce qui requiert une programmation variée : des chercheurs en sciences humaines et techniques certes, mais également entrepreneurs, designers, représentants d’association ou encore journalistes viendront exposer et partager leurs idées et projets, ébauchant autrement la conception et la construction de l’humain de demain.
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Florian HARMAND
Designer & doctorant en design
Université Bordeaux Montaigne (MICA)
iQSpot
En charge du design chez iQSpot (solution d'optimisation énergétique des bâtiments), Florian Harmand est également doctorant (CIFRE) en design, et chargé d'enseignement (Master DIIS). Son mémoire de recherche de Master portait sur les implications individuelles et sociétales de l'eschatologie transhumaniste.
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Cédric BRUN
MCF en Philosophie
Université Bordeaux Montaigne (SPH)
Cédric Brun dirige le département de philosophie de l’université Bordeaux Montaigne depuis 2015. Ses recherches et ses enseignements portent sur la philosophie générale des sciences, neurosciences et sciences cognitives. Il anime un projet sur les usages des neurosciences en contexte non médical financé par la région Aquitaine « Neuroessentialisme ».
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David PUCHEU
MCF en Science de l'Infocom
Université Bordeaux Montaigne (MICA)
Les recherches de David Pucheu portent principalement sur les imaginaires symboliques qui accompagnent le développement technologique contemporain (en IHM notamment). Il questionne par ailleurs les rapports ambivalents qui se sont tissés aux États-Unis entre les sphères religieuse et technologique du XIXe siècle à nos jours.
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Agathe FRANÇOIS
Doctorante en sociologie
EHESS
Université de Montréal
Agathe François est doctorante à l'Université de Montréal (communication) et l'EHESS (sociologie) en recherche-création. Elle s'intéresse aux futurs post-humains et aux corps équivoques qu'ils performent et rédige également une fiction post-humaine dans le but de questionner les frontières entre réel et fiction.
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Apolline TAILLANDIER
Doctorante en Sciences Politiques
Science Po (MaxPo-CEE)
Apolline Taillandier est doctorante en science politique à Sciences Po Paris (MaxPo-CEE). Sous la direction de Jenny Andersson, elle étudie l'évolution des mouvements transhumanistes et des idées de posthumain depuis les années 1970. Apolline est actuellement en échange à l’université de Californie, Berkeley (département de sociologie).
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Pierre-Yves OUDEYER
Docteur en Intelligence Artificielle
INRIA (équipe Flowers)
Ensta ParisTech
Pierre-Yves Oudeyer est directeur de recherche (DR1) à Inria et responsable de l’équipe FLOWERS à Inria et Ensta ParisTech. Auparavant, il a été chercheur pendant 8 ans au Sony Computer Science Laboratory à Paris. Il est auteur du livre “Aux sources de la parole : auto-organisation et évolution“, publié chez Odile Jacob.
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Fabien GUILLEMOT
Entrepreneur en biotechnologie
POIETIS
Docteur en sciences des matériaux (INSA Rennes) puis chargé de recherche à l'INSERM, Fabien Guillemot est aujourd'hui président de Poïetis, entreprise de bioimpression 4D à destination de la médecine régénératirce, de la recherche et du secteur cosmétique. Poïetis débute la vente de tissus bioimprimés en 2018.
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Jean-Claude GUICHENEY
Délégué régional LDH
LDH
La Ligue des droits de l'Homme s'intéresse particulièrement à la place des mécanismes démocratiques dans le développement des sciences et technologies. Elle propose les rencontres Émile Durkheim : un format de conférence/débat dont la première manifestation en 2015 titrait "Quand le citoyen interroge la science".
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Blaise MAO
Directeur de la rédaction
Usbek & Rica
Après des études d'anglais et d'histoire à Paris IV, puis un master de journalisme à Sciences-Po Paris, il a travaillé au Parisien et à Géo. Il a rejoint « le magazine qui explore le futur » en 2010, quelques mois avant la sortie du premier numéro. Il constitue le trio de tête d'Usbek&Rica avec Jérome Ruskin et Thierry Keller.
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Stéphanie CARDOSO
MCF en Design
Université Bordeaux Montaigne (MICA)
MCF et directrice du Master design de l'Université Bordeaux Montaigne, Stéphanie Cardoso s'intéresse particulièrement aux interactions humain-robots (concept d'amicalité) et à la pédagogie alimentée par les pratiques et outils du design (notamment à travers le Laboratoire des Pratiques Innovantes en Design : LID).
Design fiction
Sous-discipline réflexive et critique du design, le design fiction allie mensonge et vérité dans un projet qui interroge notre futur immédiat. Pour dévoiler cette (non)solution à un problème de société, le design fiction requiert un prototype diégétique (un objet tout à fait plausible) pour séduire le spectateur : la contemplation et l'adhésion précèdent le malaise et l'interrogation, et donc le débat.
À la croisée de la science du design et du design opérationnel, cet outil subtil qu'est le design fiction nous semblait être un bon exercice pour débuter une réflexion sur le travail du designer (tout en pratiquant le design) au sein du Master Design de l'Université de Bordeaux Montaigne.
Voici les productions des étudiants.
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Humanergie
Lucas Bramas, Mégane Richard, Alfian Sulaiman
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Mindtech
Claire Ballester, Marie Gaumer, Quentin Renaud
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SI
Noémie Antoine, Olivier Hordonneau,
Margaut Marraud-des-Grottes -
Smile to me
Bérengère Godefroy, Sandrine Gonzalez,
Laura Vidoni -
INU
Damien Blanchard, Lucas De Pedro,
Charline Deregnaucourt -
Voltea Viralis
Damien Andrieu, Sylvain Colin, Laurine Farjanel
“ The ultimate job of design is to transform man’s environment and tools, and, by extension, man himself. ”
Victor Papanek (1984)
“ The human race, in fact, is surrounded by a large area of unrealized possibilities, a challenge to the spirit of exploration. ”
Julian Huxley (1957)